Comprendre le changement climatique

Végétations et ressources en eau :
Quelles conséquences du changement climatique ?

Du fait de la tendance continue de réchauffement et des fortes variations interannuelles des conditions météorologiques, le changement climatique impacte fortement les milieux naturels et les ressources mobilisables par les troupeaux en alpage :

  • Les végétations, en terme de biodiversité et de ressource fourragère pour les animaux.
  • L’eau, pour le fonctionnement des milieux naturels (zones humides, cours d’eau…) et pour les activités pastorales (abreuvement des troupeaux, traite et transformation fromagère sur les alpages laitiers, besoins des bergers(ères) et vachers(ères)…).

Ces impacts sont différenciés selon les types de végétations (plus ou moins sensibles aux sécheresses par exemple) et la nature des ressources en eau (source, torrent, glacier…). La sensibilité d’un alpage au changement climatique sera donc conditionnée par ses caractéristiques propres : diversité et complémentarité des milieux naturels le constituant, origine de la ressource en eau et niveau d’équipement en place (cabane, points d’abreuvement, parcs…).

Une ressource fourragère disponible de plus en plus variable selon les années

La tendance générale de réchauffement des températures peut laisser présager d’une évolution globale vers une plus forte productivité des pelouses d’altitude, liée notamment à un allongement de la saison de croissance des végétations (printemps plus précoce, automne plus tardif).

Pour autant, les phénomènes d’aléas climatiques de plus en plus forts et fréquents impactent très fortement les conditions de pousse des végétations et donc les niveaux de ressource fourragère mobilisables d’une année à l’autre. En effet, le démarrage et la vitesse de croissance des végétations, et en conséquence leurs niveaux de production, sont fortement conditionnés par les températures printanières, les épisodes de gel tardifs ou encore la disponibilité en eau, phénomènes météorologiques dont la variabilité augmente avec le changement climatique.

Une herbe grillée en fin de saison, sans repousse, sur un alpage du Valbonnais

Selon les conditions météorologiques de printemps et les types de pelouse, on note sur la décennie 2010-2020 des variations de l’ordre de 25% en plus ou en moins par rapport à la production moyenne de biomasse sur la première pousse. Les températures de printemps ont un effet majeur sur ces variations. Les phénomènes de sécheresse estivale compromettent également déjà fortement la repousse des végétations certaines années.

Si ces phénomènes de variations interannuelles de la disponibilité en herbe ont toujours été une composante des systèmes pastoraux, une augmentation majeure des aléas climatiques ne fera que renforcer ce phénomène, avec des risques accrus d’années très critiques, interrogeant la capacité de ces systèmes à s’adapter et à trouver de nouvelles marges de manœuvre.

Brochure « Effets du changement climatique sur les végétations d’alpage – Des clés pour comprendre » (2021)

La composition floristique des végétations pastorales d’alpage évolue encore assez peu
sous l’effet du changement climatique

Le changement climatique interroge sur l’évolution de la composition floristique des pelouses d’alpage, au travers par exemple de la remontée en altitude de plantes adaptées à des températures plus élevées, ou de l’augmentation en abondance d’espèces plus banales et moins caractéristiques des milieux d’altitude. Ces phénomènes ont été notamment observés sur les végétations de très haute altitude des sommets alpins (remontée en altitude des espèces à raison de quelques mètres à une trentaine de mètres par décennie en moyenne depuis les années 1980 sur différents massifs à l’échelle du globe).

A ce jour, les connaissances sont beaucoup moins nombreuses sur les végétations pastorales d’altitude, et les quelques études réalisées en alpage n’ont pas révélé de changements aussi forts que ceux observés sur les végétations des sommets. La composition floristique des alpages se maintient globalement pour l’instant. Toutefois des premiers résultats de suivis sur les communautés végétales les plus longuement enneigées, notamment dans les combes à neige, mettent en évidence l’installation d’espèces adaptées à des durées d’enneigement plus faibles, et ainsi une banalisation de ces milieux.

Les suivis menés au sein du dispositif « Alpages Sentinelles » mettent de plus en évidence une très bonne capacité de résilience de ces pelouses d’altitude aux épisodes de sécheresse : si la composition de la communauté végétale peut être modifiée durant un épisode de sécheresse, elle retrouve son état initial la saison suivante. Pour autant, la question de l’impact à long terme de la répétition de ces phénomènes de sécheresse, et du dépassement de certains extrêmes météorologiques, reste posée.

La complexité de l’étude des impacts occasionnés par les évolutions climatiques sur les végétations pastorales résulte du fait que les changements d’usages pastoraux ont aujourd’hui un effet bien plus marqué sur les changements de composition et de diversité floristique.

Brochure « Effets du changement climatique sur les végétations d’alpage – Des clés pour comprendre » (2021)

Une disponibilité en eau de plus en plus fragile pour l’abreuvement des troupeaux

Même si à ce jour on ne détecte pas de variation significative des quantités annuelles de précipitations sur les Alpes, la baisse du stock de neige accumulé en hiver liée à la hausse des températures, couplée à une irrégularité des niveaux de précipitations au cours de l’année, peut mettre en péril la disponibilité en eau pour l’abreuvement des troupeaux sur certains alpages et à certaines périodes de la saison d’estive. Ainsi, un hiver peu neigeux, couplé à un printemps sec, pourra remettre en cause l’alimentation d’une source, habituellement de bon débit, et entrainer son assèchement tôt en saison.

De nombreux témoignages et retours de terrain des éleveurs, bergers et techniciens pastoraux, mettent en évidence une recrudescence de situations de plus en plus tendues et critiques, confirmant cette tendance et alertant sur un risque de rupture sans accompagnement rapide.

Cette question de la disponibilité en eau est d’autant plus primordiale qu’elle conditionne également la capacité des animaux à valoriser l’herbe sèche et certaines ressources fourragères à grosses graminées dites « grossières ». Maintenir cette capacité à bien abreuver les animaux en alpage est donc une clef de voûte de l’adaptation des systèmes pastoraux, pour une consommation en eau très limitée.

L’eau une ressource précieuse en alpage

Jouer sur la diversité et la complémentarité des ressources en alpages : Un savoir-faire de berger

Chaque alpage possède sa propre sensibilité au changement climatique !

Que ce soit du point de vue de la ressource en eau ou des végétations pastorales, chaque alpage aura une sensibilité propre au changement climatique :

  • Selon l’origine de l’eau mobilisable pour l’abreuvement des animaux (source, torrent, glacier…) et le niveau d’équipement en place. Ainsi, la présence d’un glacier en amont d’un alpage limitera sa sensibilité en lui assurant une réserve d’eau conséquente, au moins à moyen terme.
  • Selon la diversité et la complémentarité des milieux pastoraux constituant l’alpage. La présence de sous-bois sur un alpage, apportant de la fraicheur à la strate herbacée sous-jacente, limitera par exemple sa sensibilité au dessèchement.

Les acteurs du dispositif « Alpages Sentinelles » ont défini une typologie des principaux milieux pastoraux d’alpage, faisant état pour chaque milieu de sa sensibilité aux aléas climatiques et des souplesses qu’il peut apporter pour les conduites pastorales. Si certaines végétations fragiles ou très saisonnalisées apportent peu de marges de manœuvre, d’autres peuvent au contraire constituer de réelles réserves de biomasse sur pied mobilisables avec des conduites adaptées.