Le dispositif Alpages Sentinelles

Un observatoire alpin du changement climatique
et de ses impacts en alpage

Le volet « Observatoire » du dispositif « Alpages Sentinelles » vise à analyser de façon objective les évolutions :

  • des conditions météorologiques, depuis les tendances globales à l’échelle des Alpes, jusqu’aux spécificités relatives à chaque territoire et alpage ;
  • des végétations, en termes de ressource fourragère mobilisable par les troupeaux et de biodiversité, pour chacun des principaux milieux pastoraux d’altitude ;
  • des conduites pastorales, au travers des effectifs et du temps de présence des animaux en alpage ainsi que des niveaux de mobilisation des différents milieux au pâturage.

Pour cela, un ensemble de suivis de terrain relatifs aux évolutions des végétations et des pratiques pastorales est mis en place sur un réseau de sites pilotes : les alpages dits « sentinelles ». Ces suivis s’appuient sur des protocoles standardisés, élaborés collectivement au sein du réseau et aujourd’hui déclinés sur l’ensemble des sites alpins. Les données ainsi collectées sont centralisées dans plusieurs bases de données hébergées par Inrae Grenoble, pour permettre leur analyse et leur valorisation.

L’analyse de l’évolution des conditions météorologiques mobilise quant à elle des données issues de stations de mesure (températures, précipitations,…) et de modèles météorologiques dans le cadre d’un partenariat avec Météo-France.

Face à un phénomène complexe, la pérennité sur le long terme d’un tel observatoire est un enjeu majeur, afin de disposer de séries temporelles de données permettant de repérer des variations interannuelles et des tendances pluriannuelles d’évolution.

Un réseau d’alpages dits « sentinelles »

L’observatoire repose aujourd’hui sur une trentaine d’alpages du massif alpin. Cet échantillon ne vise pas à être statistiquement représentatif. Il cherche à couvrir une diversité de contextes géographiques et climatiques et de systèmes pastoraux, comme autant d’alertes et de supports de réflexion sur l’impact potentiel du changement climatique. D’où cette notion de « sentinelles » !

Des Savoie aux Alpes méditerranéennes, le réseau regroupe ainsi des alpages ovins allaitants, bovins allaitants et bovins laitiers, et des gestionnaires à la fois individuels et collectifs (Groupements Pastoraux).

Ces alpages sont le support des différents suivis de terrain (végétations et pratiques pastorales), et sont également des lieux privilégiés d’échange entre les différents acteurs impliqués (éleveurs, bergers, techniciens, scientifiques…), notamment lors de visites partagées de fin d’estive.

Depuis le lancement du programme et le premier alpage impliqué en 2007 dans les Ecrins, le dispositif est monté en puissance et s’est étendu aux trois Parcs Nationaux alpins (Vanoise, Mercantour, Ecrins), ainsi qu’à plusieurs Parcs Naturels Régionaux (Chartreuse, Vercors, Luberon, Ventoux). A noter : le Jura a également rejoint la dynamique en 2017, avec trois alpages sentinelles suivis.

Repérer les impacts du changement climatique
sur les végétations d’alpage

La tendance globale de réchauffement, associée à des aléas climatiques de plus en plus fréquents et marqués, impacte les végétations à la fois en termes de productivité annuelle (quantité d’herbe produite annuellement et disponible pour les troupeaux) et d’évolution de leur composition botanique et de la biodiversité associée. Sur les alpages sentinelles, sont ainsi mis en œuvre deux types de suivis différents :

  • Un suivi annuel de la biomasse disponible à l’arrivée des troupeaux : sur 2 à 4 stations en moyenne par alpage, des hauteurs d’herbe sont mesurées chaque année avant le premier passage des animaux. Ces mesures permettent de suivre la variabilité interannuelle de la quantité de fourrage disponible à l’arrivée des troupeaux. A l’échelle du dispositif, ce sont près de 120 stations qui font l’objet de relevés chaque année !
  • Un suivi pluriannuel de la composition floristique : sur 1 à 4 stations par alpage, un relevé complet des espèces présentes au sein des pelouses est effectué sur un linéaire de 40 mètres selon la méthode des points contacts, tous les 5 ans en moyenne. Ces mesures, réalisées sur 130 placettes à l’échelle du dispositif, permettent de surveiller des évolutions potentielles de la composition floristique des pelouses d’alpage sur le très long terme.

Ces suivis sont mis en œuvre sur une diversité de pelouses d’alpage constituant le cœur de la ressource fourragère mobilisée par les troupeaux : depuis les pelouses les plus productives de bas d’alpage jusqu’aux pelouses les plus rases de haute altitude. Douze principaux types de pelouses d’alpage ont été définis au sein d’une typologie partagée à l’échelle des Alpes, permettant ainsi de raisonner spécifiquement les résultats de ces suivis au regard des caractéristiques et des propriétés de chacun de ces milieux pastoraux.

La Pastothèque, Référentiel des milieux pastoraux du Sud de la France dans un contexte de  changement climatique, Avril 2023

Identifier les ajustements de conduites pastorales
en alpage

Face aux variations de disponibilité de la ressource fourragère en alpage, les éleveurs et bergers peuvent modifier leurs conduites pastorales, en ajustant notamment les effectifs et les temps de présence des animaux sur l’alpage et entre quartiers de pâturage, mais également en jouant sur la complémentarité des différents milieux pâturés. Ces adaptations peuvent être conjoncturelles pour faire face à une année particulière, ou structurelles si elles se confirment dans le temps.

Pour repérer ces adaptations de conduite, deux types de suivis sont mis en œuvre annuellement sur chaque alpage sentinelle  :

  • Un relevé des effectifs et temps de présence des animaux sur l’alpage, et à l’échelle de chacun des quartiers de pâturage qui le constituent, sur la base des enregistrements de pratiques des éleveurs et bergers.
  • Un relevé des niveaux de prélèvement par le pâturage de la ressource fourragère disponible en différents points de l’alpage, selon une grille de référence. Cette observation de terrain est réalisée après le départ des animaux, lors d’une visite partagée de fin d’estive, appelée « Tournée de Fin d’Estive » ou « TFE ». 20 à 25 points d’observation sont définis pour chaque alpage, sur les principales pelouses qui le constituent, pour un total d’environ 750 points relevés annuellement à l’échelle du dispositif. Ces Tournées de Fin d’Estive sont également des moments privilégiés d’échange collectif avec le berger sur le déroulé de la saison et les évènements météorologiques de l’année.

Ces suivis en alpage sont complétés par des jeux d’enquêtes auprès des exploitations utilisatrices des alpages, afin de bien comprendre la place de ces alpages dans les systèmes d’élevage et de pouvoir identifier les déterminants des changements de pratiques constatés en alpage (niveau d’équipement de l’alpage, organisation du travail sur l’alpage et l’exploitation, pression de prédation sur les troupeaux…).

Une brochure de synthèse réalisée par le dispositif en 2018 décrit les systèmes pastoraux utilisateurs des alpages sentinelles, ainsi que les indicateurs mobilisés pour suivre l’évolution de ces pratiques.
« Un observatoire alpin de l’évolution des pratiques pastorales en alpage », 2018

Qualifier et objectiver les évolutions météorologiques
sur les territoires d’alpage

Au-delà de la caractérisation d’un phénomène global d’évolution climatique (une tendance de réchauffement, couplé à des aléas climatiques de plus en plus prégnants), le dispositif « Alpages Sentinelles » cherche à préciser ces réalités à l’échelle de chaque alpage.

Pour cela, les travaux s’appuient sur des données issues de stations et de modèles météorologiques de Météo France, dans le cadre d’un partenariat et d’une collaboration avec leurs équipes de recherche.

Une série d’indicateurs « agro-météorologiques » a été développée pour traduire les effets potentiels d’un phénomène météorologique, comme une sècheresse, sur la croissance des végétations (un bilan hydrique mensuel par exemple). Sur cette base, des profils d’exposition aux aléas climatiques sont proposés pour chaque alpage à l’échelle des Alpes.

Chaque année, ces profils d’alpage permettent d’objectiver les contraintes météorologiques auxquelles l’alpage a été exposé, et de lire d’éventuelles tendances d’évolution au regard d’une période historique de référence.

L’ambition est de pouvoir, demain, proposer des outils de prospective sur la base des modèles prévisionnels de Météo-France.

Cette approche météorologique est une dimension centrale du dispositif : raisonner la vulnérabilité spécifique d’un alpage au changement climatique commence en effet par la compréhension des phénomènes météorologiques auxquels celui-ci est précisément exposé.

Tous les protocoles mobilisés au sein du dispositif « Alpages Sentinelles » sont
consultables sur demande auprès d’Inrae Grenoble.